jeudi 29 septembre 2011
Citation du mois : septembre 2011
"Au moment de prendre une décision la meilleure chose à faire est de faire ce qu'il faut, l'autre est de faire ce qu'il ne fallait pas faire, et la pire est de ne rien faire."
Theodore Roosevelt
Non, pas les enfants! Noooon!!!
Quand on veut scandaliser, rien de plus efficace que de montrer la souffrance des enfants. En général, c'est plutôt pour la bonne cause : ce serait une drôle d'idée de reprocher aux associations caritatives de montrer des enfants subissant la malnutrition pour inciter aux dons, ou à Serge Klarsfeld de s'être contenté, lors de sa plaidoire, de lire les dernières lettres des enfants d'Izieu pour convaincre le jury de la nécessité de condamner Klaus Barbie.
Le problème, c'est que quand on est trop ému, on ne réfléchit pas beaucoup. Et c'est ce qui s'est passé la semaine dernière avec les "images chocs" d'enfants s'affrontant dans une cage en Angleterre : les articles sur le sujet semblaient pousser comme des champignons, y compris au Royaume-Uni. Deux thèmes en particulier sont récurrents : l'absence de protections, et le fait que les spectateurs adultes (le Daily Mirror -cité par liberation.fr-, tout en nuances, parle d' "amateurs de combats avinés") aient payés (presque 30 Euros quand même) pour voir cet affrontement.
Oui, sauf que comme on peut le voir sur une des vidéos de YouTube ( http://www.youtube.com/watch?v=pY5wm2d6mjI&noredirect=1 ), il n'y a pas de coups échangés, n'en déplaise à TF1 qui parle d'"enfants enfermés dans une cage pour un combat à mains nues". La plupart des articles parlent de "cage fighting", ce qui si on prend les termes mot à mots est vrai (c'est un combat, qui a lieu dans une cage), mais Cage Fighting désigne habituellement le free-fight, où les coups sont portés à fond. Il y a donc de quoi sauter au plafond en voyant, sous un tel titre, une photo de deux gamins qui ne portent même pas de gants (les gants sont obligatoires même pour les adultes, depuis près de 15 ans), alors qu'il s'agit en fait d'un combat de grappling, qui ne nécessite aucune protection sinon une coquille (qui était probablement portée) et, mais c'est facultatif, un truc à mettre sur les oreilles à l'entraînement pour éviter de finir comme Nogueira ou Sakuraba.
Et si les "amateurs de combats avinés" (je fais une confiance aveugle au Daily Mirror qui a forcément fait passer un alcootest à tout le monde) ont effectivement payé 30 Euros, c'était surtout pour voir les autres combats de la fightcard, qui opposaient des adultes. Dire que les spectateurs ont payé pour voir ces pauvres enfants s'entre-arracher la gorge avec les dents, ça revient à peu près à dire que les spectateurs d'un concert ont payé pour voir l'artiste qui passe en première partie...
Autre élément qui alimente le scandale : le combat a continué, après examen d'un soigneur, alors que l'un des enfants pleurait. Mais, comme on peut l'entendre sur la très courte vidéo YouTube, et comme TF1 aurait pu le constater si la reporter avait écouté les "hurlements des commentateurs" qu'elle dénonçait avec subtilité, les commentateurs officiels de l'event eux-mêmes ont trouvé que ce n'était pas normal. Mais bien sûr, ça ne vaudrait pas la peine de compliquer les choses en n'étant pas manichéen.
Il n'y a donc pas grand chose de plus scandaleux que toute compétition enfants de lutte ou de judo où, après tout, des adultes payent pour voir des combats entre enfants. On peut, bien sûr, toujours se poser des questions. Le combat de grappling a duré 10 minutes, ce qui est long et demande une préparation physique conséquente. L'enfant qui pleurait, s'il n'a pas nécessairement subi de contrainte directe, s'est senti obligé de continuer. Cela pose la même question que pour n'importe quel autre sport : le sport de haut niveau est-il vraiment compatible avec un développement physique et psychologique satisfaisant de l'enfant? Un autre problème, plus spécifique à ce combat en particulier, est que les techniques de grappling sont redoutables : un enfant si jeune a-t-il le recul suffisant pour disposer de la capacité de casser un bras, d'étrangler jusqu'à évanouissement? Est-ce qu'il ne risque pas de blesser gravement un autre enfant lors d'une bagarre? Mais bon, la personne qui trouve un article ou une vidéo de presse qui pose ces questions là a gagné un verre d'eau, toute mon estime et un Snickers.
Au passage, un remerciement à Gilles Klein pour sa revue de presse sur www.arretsurimages.net ,à laquelle je dois l'extraordinaire extrait de TF1 et quelques réactions de la presse britannique (dont des médecins, apparemment pas trop au courant du règlement, qui déplorent l'absence de casque). Je n'ai pas sous la main de photos d'enfants souffrant atrocement de désinformation, mais je vous conseille quand même l'abonnement au site.
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