vendredi 8 avril 2011

Combats historiques n°1 : Daiju Takase VS Emmanuel Yarbrough (24/06/1998)


Au Pride 3, succédant à un combat très engagé, ayant débouché sur une égalité, entre Akira Shoji et Daijiro Matsui ayant déjà assuré leur grande popularité, deux combattants se sont affrontés malgré une différence de poids de près de 200 kilos (180 kilos environ d'après les pesées officielles, l'Américain pesant 600 livres et le Japonais 209), à ma connaissance la plus importante de l'histoire du free-fight. Pour situer un peu, 200 kilos, c'est plus que le poids de Bob Sapp ! Si «The Beast» n'était pas encore occupé à faire du football américain à l'époque, on aurait donc pu dire qu'il y avait plus d'un Bob Sapp de différence de poids.

Yarbrough vient, comme son poids le laisse supposer, du sumo. Il a pourtant déjà laissé une trace dans les mémoires à l'UFC 3 contre Keith Hackney, non pas par une performance exceptionnelle (il s'est fait mettre KO en 2 minutes), mais en ouvrant, avec son poids et celui de son adversaire, la porte du fameux octogone en plein combat. Lors de la présentation de l'UFC 4, l'accent a d'ailleurs été lourdement mis sur les portes nouvellement renforcées.

Takase, lui, livre (en tout cas d'après sherdog) son premier combat... on peut légitimement parler de baptême du feu!

Mais le gong sonne et... le public peut commencer à s'ennuyer. Takase tourne (parfois en courant) autour de Yarbrough, stratégie pertinente mais qui n'est pas non plus très fructueuse, puisque le moindre direct de Yarbrough le convainc de reculer. La prudence l'obligeant à donner une grande priorité à la défense plutôt qu'à l'attaque, il ratera sa cible pourtant massive lors de ses rares tentatives de frappe (les laveurs de carreau de La Tour Montparnasse Infernale auraient fait remarquer qu'il raterait une vache dans un boudoir). L'Américain, lui, s'approche mais lentement (laissant largement à son adversaire le temps de tourner... il le fera même, une fois, pour une raison inconnue, en faisant une roulade, ou encore son protège-dents à la main!), et quand il n'envoie pas ses directs pas très fulgurants (soit la plupart du temps), reste les bras le long du corps. Lorsque le round se termine, Takase n'aura passé en tout et pour tout que 4 ou 5 low kicks, laissant largement le temps à Stephen Quadros et Bas Rutten de faire un certain nombre de blagues sur le poids de Yarbrough.

Le deuxième round démarre de façon explosive : Yarbrough tente de saisir son adversaire! Celui-ci se dégage, fin de l'explosion, le round continue comme le premier, Takase étant même encore plus prudent après ce début de round qui, convenons-en, ne devait pas être rassurant. Le manque d'action contraint l'arbitre à sortir un carton jaune qui revient au Japonais, l'Américain ayant été bien plus actif qu'au premier round (pas dans la mesure où il attaquait plus, ou qu'il avait moins les bras le long du corps, mais dans la mesure où il avançait continuellement, au lieu de passer une bonne partie du temps à attendre comme au round précédent). L'effet sur Takase est radical : il fait une plongée qui semble suicidaire dans les jambes de Yarbough, et saisit un mollet qui doit faire à peu près son tour de poitrine. Le sumo, qui étant un sumo doit avoir l'habitude de se faire saisir, n'a qu'à se laisser tomber en avant pour contraindre son adversaire, qui se redresse d'urgence pour ne pas être plié en deux, à lâcher. Takase, pendant que les commentateurs paniquent, parvient à se rasseoir, à dégager une jambe, puis l'autre, en passant quelques coups, alors que Yarbrough reste à plat ventre. Il n'a qu'à envoyer quelques frappes supplémentaires sur un adversaire qui ne se relève pas pour le faire taper, obtenant, chose encore plus inattendue à la fin du premier round qu'au début du combat, une victoire avant la limite. C'était incroyable, ça tenait du film ou de la bande dessinée, mais qu'est-ce que c'était chiant!

Yarbrough ne fera plus d'étincelles dans le monde du free-fight. On pourra tout de même voir son sosie affronter le personnage principal dans le manga Tough (dans une version dopée aux super-stéroïdes, rapide et explosif, la graisse presque entièrement remplacée par des muscles), ou encore l'entrevoir en pyromane gay dans les dernières saisons de Oz. Quand à Takase, contrairement à par exemple Shoji pour son match nul contre Renzo Gracie ou Otsuka pour sa victoire par forfait sur un Marco Ruas qui avait 40 de fièvre et qui l'avait quand même tabassé au 1er round, cette victoire marquante ne lui garantira pas une longue carrière au Pride. Son palmarès très moyen (9 victoires 13 défaites 2 nuls, et son dernier combat datant de 2010 rien ne dit qu'on ne le reverra pas) ne fait pas justice à son niveau, puisque parmi ses victoires, en plus de celle-ci, il y en a une sur étranglement en triangle contre... un certain Anderson Silva. Et, quoi qu'on en dise, ces combattants auront battu un record (même pour Royce Gracie contre Akebono, la différence de poids était moins importante), en plus d'être sans doute, derrière le fameux Antonio Inoki/Mohammed Ali, le combat soporifique le plus mémorable.

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