Une fois n'est pas coutume, un UFC pauvre en victoires au 1er round et riche en spectacle a eu lieu samedi dernier, avec une fin largement à la hauteur du reste de l'event.
Edson Barboza contre Anthony Njokuani
Edson Barboza remporte une décision unanime et reste invaincu après 3 rounds d'un combat qui ressemblait tellement à du kickboxing que les rares amenées au sol prenaient surtout le public par surprise. Njokuani avait pourtant dominé, légèrement mais distinctement, en particulier avec ses frappes au corps, l'ensemble des échanges. L'incroyable coup de pied retourné au visage passé dans les dernières secondes a probablement influencé les juges. Il est en tout cas sûrement pour beaucoup pour le fait que le combat ait été nommé Fight of the Night, pas vraiment mérité d'après moi avec les guerres qui ont eu lieu plus tard dans la soirée.
Luiz Cane contre Eliott Marshall
Après deux grands moments de solitude contre Rogerio Nogueira puis Cyrille Diabaté, Cane est dos au mur pour ce combat contre l'honorable Eliott Marshall, qui revient à l'UFC après 3 victoires consécutives dans une autre organisation. Marshall fait croire pendant quelques secondes qu'il va accepter l'affrontement debout, quand il envoie un high kick facilement bloqué, mais la tentative de single-leg un peu optimiste qui suit peu après confirme que, sans surprises, il préfère être au sol. Cane, pédagogique, lui montrera avec un crochet du droit qu'en effet ça aurait été préférable, et lui montrera surtout pourquoi il ne faut jamais bloquer un low kick avec les mains contre quelqu'un qui sait boxer (1° ça montre à l'adversaire qu'on est nul en pieds-poings, 2° les mains ne peuvent pas être à deux endroit à la fois, et il est de notoriété publique que la cuisse est loin du menton, 3° de toutes façons ça fait mal quand même). En résistant à la tempête de coups de poings qui suit son knock down, Marshall tente une clef de genou qui crée une ouverture supplémentaire, ce qui suffit à Cane pour finir le travail et prouver que malgré deux défaites éclair consécutives il est encore là.
Rafael Assuncao contre Eric Koch
Dans un style qui rappelle un peu celui de Ryoto Machida, Koch utilise son allonge pour forcer son adversaire à aller le chercher. Cette technique lui permettra de placer un crochet fulgurant en contre, en reculant, avec son poing avancé, qui lui vaudra une victoire spectaculaire et la prime justifiée du KO of the Night.
Mirko « Cro Cop » Filipovic contre Brendan Schaub
Contrairement à Pat Barry lors du dernier combat de Cro Cop, Schaub ne se laisse absolument pas intimider par son adversaire (il se fera même retirer un point par l'arbitre pour des coups dans la nuque!). Le déroulement du combat est assez répétitif, laissant au public le temps de constater qu'on pourrait croire à un affrontement entre le sosie de Sasha Baron Cohen et celui de Bigard : les échanges sont équilibrés en pieds-poings, Cro Cop passe de bons coups de poings et coudes même quand il est bloqué dos à la cage, et Schaub parvient à faire quelques dégâts une fois qu'il a passé son amenée au sol, ce qui aurait du lui suffire pour l'emporter... sans le point déduit. Si on ajoute à ça le prestige de Cro Cop, les coups qui ont tout de même été encaissés, et les critères bien particuliers, connus d'eux seuls, des juges de l'UFC, rien n'est certain quand le gong sonne le début du 3ème round. C'est à peu près une minute avant la fin qu'un direct de Schaub vient toucher de plein fouet la tempe de Filipovic, qui armait un coup de pied. Il s'écroule immédiatement, confirmant après sa défaite contre Mir que le 3ème round ne lui porte pas bonheur. On peut penser aussi que sa garde était basse à cause de la fatigue, mais aussi des nombreuses tentatives d'amener au sol de son adversaire qui ont précédé. Toujours est-il que, comme à son habitude quand il est mis KO, l'ancien champion du Pride est dans un état lamentable. Schaub, en plus de donner un coup de pouce à sa carrière, profite du fait qu'il n'y ait eu aucune victoire sur une clef dans la soirée pour partager le KO of the Night avec Eric Koch.
Nate Marquardt contre Dan Miller
Marquardt domine d'un cran tous les domaines du combat, que ce soit le pieds-poings, les projections et le sol (il va jusqu'à donner l'impression que le ground'n'pound c'est facile, malgré les tentatives de clefs constantes et variées de Miller), et pourtant son adversaire n'est ridicule à aucun moment, plaçant de belles attaques en boxe (mais bien moins que ce qu'il encaisse) et donnant deux fois l'impression que sa guillotine est passée, impressionnant au contraire par sa combativité, son cardio et sa technique. Marquardt gagne nettement, mais pas sans être mis en danger, et surtout seulement sur décision. Miller donne d'excellentes raisons de regretter qu'il n'ait pas été prévenu dans un délai décent qu'il allait affronter l'ancien n°2 de la catégorie, alors que son adversaire est loin, très loin d'avoir fait disparaître les doutes qui ont pu faire leur apparition lors de sa défaite contre Sonnen.
Jim Miller contre Kamal Shalorus
Bien que surnommé Prince of Persia, l'Iranien, avec son palmarès très conséquent en lutte, est plus réputé pour faire voler ses adversaires que pour sauter par dessus des oubliettes. C'est contre cet adversaire prestigieux et invaincu que Jim Miller devra faire honneur à la performance de son frère. Des échanges explosifs en pieds-poings débutent dès que le gong sonne. Difficile de savoir qui a l'avantage jusqu'à ce que le pied de Miller ne vienne claquer sur la tempe de Shalorus, qui amortit à peine le coup avec sa main mais fait l'exploit d'encaisser plutôt bien, sûrement en grande partie grâce à un cou extrêmement musclé. Les échanges debout reprennent au deuxième round, et Miller en profite vers la moitié pour, contre toute attente, amener son adversaire au sol, plongeant sur sa jambe pendant un gauche-droite envoyé un peu haut. Il prend rapidement le dos, mais le gong retentira avant qu'il ne puisse passer un étranglement à Shalorus, ni même déboîter sa mâchoire malgré les fois où il a forcé comme un malade alors que l'avant-bras n'était pas encore sur la gorge. Comme dans le jeu vidéo, Prince of Persia doit maintenant être attentif au chrono : s'il n'en finit pas dans les 5 prochaines minutes, une décision des juges en sa faveur serait une énorme surprise. C'est pourtant Miller qui évitera aux juges de travailler : la tête un peu basse, probablement pour passer une projection ou pour esquiver un crochet, Shalorus mange un uppercut à la trajectoire un peu large qu'il digère moins bien que le high kick du premier round. Il recule maladroitement, pendant que son adversaire finit le travail avec un direct puis un coup de genou.
Urijah Faber contre Eddie Wineland
Faber tente d'entrée de jeu de projeter, et Wineland lui montre d'entrée de jeu que ça ne va pas être facile. Qu'à cela ne tienne, Faber reste collé et fait un inventaire assez complet des projections existantes, sans en passer une. C'est finalement lui qui, à la moitié du round, se retrouve sur le ventre et encaisse un crochet en se relevant. Faber se décide ensuite à boxer. Les combattants sont plutôt à égalité dans le domaine, mais le pied-poings ne permet pas à Faber de mieux passer ses projections. Sa boxe fait penser à de la boxe anglaise amateur de très haut niveau : garde basse, esquives au millimètre, les poings qui partent tout en explosivité et en vitesse. Wineland, lui, se sert de son allonge et cherche le contre. Au deuxième round, Faber finit par passer une amenée au sol, en saisissant la jambe sur un low kick. Il alterne coups de coude et slams sur Eddie Wineland qui ferme sa garde et bloque ce qu'il peut mais a l'air un peu perdu. Un indice assez clair pour les juges pour savoir quel vainqueur ils doivent désigner, mais pas de quoi, loin de là, finir le combat avant le quart d'heure réglementaire. Ce ground'n'pound ne dure pas éternellement et, nouveau round oblige, les combattants finissent par repartir debout. Wineland est plus offensif debout, sans que ça lui permette de prendre vraiment l'avantage. Au contraire, Faber finit par faire mal sur un crochet, ce qui lui permet de passer quelques autres coups de poing. Il passe ensuite une nouvelle projection après une belle séquence de lutte : il ne lui reste plus qu'à continuer de faire ce qu'il a fait un deuxième round pour s'assurer une décision confortable. Un beau combat, qui donne envie de revoir rapidement ces deux combattants.
Jon Jones contre Mauricio Rua
Pour sa première défense de titre, Mauricio Rua affronte un jeune prodige, encore peu expérimenté mais qu'on a encore jamais vu en difficulté. A ceux qui se demandaient s'il oserait utiliser ses techniques aériennes contre un champion du calibre de Shogun, Jones répond rapidement en démarrant le combat sur un coup de genou sauté. Suivent un high kick, un front kick et un coup de pied retourné, mais rien ne passe même si aucune ouverture n'est laissée pour un contre. Autre spécialité de Jones, autre point d'interrogation sur ce combat : les projections. Là encore, une réponse est vite donnée : le lutteur, profitant d'un direct bien esquivé, se colle à son adversaire, et après seulement 30 secondes de combat, Shogun est sur le dos. Ce qui amène au point d'interrogation suivant : le ground'n'pound. Jones s'en était plaint, il a surtout était opposé à des lutteurs. Et les lutteurs sont moins à l'aise sur le dos. Shogun, lui, vient plutôt du jiu-jitsu brésilien, donc sait bien se défendre mais surtout attaquer dans cette position. Bien que presque contre la cage, il tente successivement clefs de genou puis triangle, sans succès, et se fait passer la garde. Il reprend Jon Jones dans sa garde, puis dans sa demi-garde pour aller chercher les jambes pour une clef de genou ou un renversement, mais ça ne passe pas et il prend des coups au passage, et les coups de Jon Jones au sol n'ont rien à voir avec du lay and pray : il frappe pour faire des dégâts, et il y arrive toujours, pour le plus grand plaisir du public qui scande « Jonny Bones Jones » puis « USA ». Shogun se relève, encaisse au passage un coup de genou au corps... puis un au visage (plutôt un high kick en fait, jambe dépliée après un coup de genou manqué de peu), puis un direct plein pot, puis un enchaînement de coups de poing et un front kick au visage! Prouvant qu'il a bien fait ses débuts à la Chute Boxe, où des combattants tels que Wanderlei Silva, Anderson Silva ou son frère Murilo « Ninja » faisaient leurs sparrings à 100% de puissance, Mauricio Rua reste debout, mais avec le dynamisme et l'explosivité d'un zombie. Jones ne parvient pas à l'achever et, étrangement, ne se précipite pas et s'éloigne. Shogun semble aussi avoir la capacité d'encaisse et la résilience du zombie et, malgré deux puissants coups encaissés au corps, récupère AVANT la fin du round. Après un coup de coude retourné facilement esquivé, il saisit le dos de Jones, ce qui stratégiquement peut surprendre contre un tel génie des projections (pourquoi ne pas frapper à la place?). Il plonge en fait dans les jambes, mais ça ne passe pas, et il se retrouve sur le dos. Là, les deux combattants patientent pendant les 30 secondes qui restent jusqu'à la fin du round. En général c'est mal vu, mais en même temps il en reste quatre.
Au deuxième round, Shogun est vite bloqué contre la cage. Profitant cette fois-ci du corps à corps plutôt que d'un échange de coups, Jones passe son coup de coude retourné à la perfection. Un direct suit qui passe dans une garde pas assez serrée mais, là encore, Shogun survit et son adversaire ne se précipite pas pour l'achever. En pieds-poings, le challenger se sert de son allonge et du clinch pour neutraliser celui qui, pour mémoire, vient d'étaler Machida au premier round. La diversité de ses attaques lui permet en plus de toucher et de destabiliser même quelqu'un d'aussi expérimenté. Jones finit tout de même par projeter, et Shogun est à nouveau sur le dos. Même stratégie qu'au premier round de la part de Rua, et mêmes résultats. Le challenger s'offre même une tentative de clef de genou dans les dernières secondes, qui ne passe pas mais lui permet de passer une dernière attaque, un revers au visage.
Entre l'essoufflement de Shogun et la différence de taille, le combat, au début du 3ème round, semble inégal rien qu'à regarder les deux combattants face à face. Rua profite à nouveau de dominer un échange pieds-poings pour saisir le dos puis aller chercher les jambes. Cette fois il parvient à s'emparer... du pied de Jon Jones. Le challenger s'en sort sans problèmes, et repasse rapidement dans la garde de Shogun. Sans même passer en demi-garde, il assène des frappes puissantes, et parvient à prendre de plus en plus d'amplitude, contraignant le champion à une roulade arrière pour s'en sortir. Il se relève, mais dans un état lamentable (un œil presque fermé) et s'adosse à la cage. Il suffit d'un crochet au corps pour le faire tomber à genoux. L'impensable s'est produit : Shogun a abandonné la ceinture qui lui allait si bien.
Jon Jones s'empare de la ceinture sans avoir été mis en difficulté une seule fois dans sa carrière à l'UFC, et dans les conditions les plus spectaculaires : prévenu seulement 6 semaines avant et juste après un combat, extrêmement jeune (23 ans, deux combats plus tôt il affrontait Matyushenko qui n'a quand même rien à voir avec Shogun), et quelques heures après avoir arrêté un voleur de GPS (véridique!). Même dans un film américain au scénario écrit en 2 jours, ça ne serait presque pas crédible. Même si la ceinture est maudite depuis un moment (Shogun est le 4ème à la perdre lors de sa première défense), difficile de voir qui pourra la prendre à Jon Jones. Le prochain challenger, Rashad Evans, est surtout connu pour ses contres et son niveau en lutte, deux atouts qui semblent difficiles à faire valoir contre un tel adversaire. De plus, si la catégorie est bien remplie (Couture, Machida, Shogun, Jackson, Hamill, Griffin, Ortiz, Rogerio Nogueira, …), il y a peu de nouvelles têtes, de combattants dont on n'a pas encore vu les limites (un peu comme Ryan Bader... jusqu'à il y a 6 semaines), si ce n'est Phil Davis, qui aura d'ailleurs un gros test ce samedi contre Rogerio Nogueira, mais il paraît encore loin du combat pour le titre. Tout ressemble donc au début d'une carrière tellement pleine de promesses que c'en est caricatural.
Malgré tout, comme dans la plupart des sports, tout peut arriver : Machida semblait tout aussi invincible quand il a retiré la même ceinture de la taille de Rashad Evans, et ont suivi une victoire discutable sur le fil, puis deux défaites. Et, si le même type de sort attend Jon Jones, on se souviendra plus facilement de son orgueil (pour l'instant justifié) que de son incroyable parcours.